Tôle
Je suis en colère. On édition spéciale, on deuil national, on accueille la mobilisation officielle. On voudrait croire qu’une simple goutte d’eau saurait effacer le désert ?
Que vois-tu?
Dans l’œil la tôle affalée les arbres endormis leurs rêves emportés en bourrasques de paupières scellées l’écume - orpheline - ourle les toits
Dans l’œil le talon embourbé l’île sans eau cherche une terre - Grande - le silence sauf les oiseaux emplit les bouches bavardes
Dans l’œil les brèches effritent les pixels et les ondes les courants d’air émiettent les os les couleurs se mélangent - étrangement -
Dans l’œil le feu abandonné aux quatre vents et aux belles étoiles se couvre d’une feuille de bananier - arraché - un robinet resté ouvert laisse un mensonge s’écouler
Dans l’œil les files de vies non recensées - patientes - les corps transparents
Dans l’œil une colline pelée trop mûre son sucre alcool vomi dans les seaux offerts aux nuages

Que vois-tu ?
Dans l’œil la tôle ouvre un chemin dans le ventre d’un homme il n’aura plus faim
Dans l’œil toutes les choses dans un état sans majuscule ce pourrait être pire
Dans l’œil une boîte de conserve contre une pièce d’identité toute la misère du monde
Dans l’œil la promesse poignée de main soignée porte une chemise sur-mesure sans doute on veut de l’eau
Dans l’œil les feux de joie sont des mensonges ne réchauffent même pas il n’y a plus rien
Dans l’œil M’Tsapéré pleure Kawéni crie Dzoumogné prie les bidons sont vides la terre est tombée

Que vois-tu ?
Dans l’œil la poutre et son lit de paille avalent les larmes qui replient le paysage comme couvertures sur leurs corps
Dans l’œil les bangas peintes d’encres invisibles fouillent silencieusement les profondeurs de la terre
Dans l’œil la mangrove mise à nue ses racines pudiques cachent des regards vides
Dans l’œil la charpente moque la gravité s’envole fragile marionnette les fils sont trop longs
Dans l’œil la lumière devient ombre continue entière tout se tatônne
Dans l’œil l’oubli lèche le sel des vies informelles mâche méticuleusement les rues informelles avale goulûment les briques informelles c’est ainsi
La tôle gratte, cache et tue. Alors en ce jour de deuil national, je vous envoie ma publication au petit matin pour que mes mots puissent, qui sait, habiter votre journée.
Que cette semaine soit vivante que la suivante soit amour, nous nous retrouvons début 2025.
(Merci d’être là, de me lire, parfois d’interagir)