Correspondances
À qui écrivez-vous ? Comment écrivez-vous ? Cette lettre est aussi un grand merci et vous réserve une proposition !
Correspondance, l’impudeur
J’ai un rapport ambivalent à l’idée de correspondances. Vous avez lu des correspondances qui restent ancrées en vous ?
Reprenons dans l’ordre. C’est par un grand merci que je dois commencer. Vos messages suite à ma précédente lettre m’ont émue. Lorsque la publication automatique se déclenche le lundi à 20h20 (tandis que je suis en plein cours de 🎾), il y a une connexion humaine qui s’active réellement puisque vous êtes là, vous lisez et m’écrivez. Donc merci.
C’est en vous lisant que m’est revenu ce mot de correspondances. Les seules correspondances que j’ai lues sont celles de Frida Kahlo, parce que cette femme est fascinante et que vraiment là je devais oser l’impudeur de lire ce qui, pourtant, n’était pas écrit pour être partagé avec le monde. C’est de là que vient l’ambivalence. Lorsque des correspondances d’artistes sont publiées, de vraies lettres - c’est-à-dire pour moi privées et non écrites comme faisant partie d’une œuvre, possiblement posthume - conservées par leurs destinataires, il y a comme une sorte de voyeurisme à s’aventurer dans cette part d’intime. Je me sens mal à l’aise. Même en lisant celles de ma chère Frida.
Pourtant, l’idée de la correspondance me fait frissonner. J’adore ça les lettres. J’ai dans une boîte les lettres reçues de celui qui est désormais mon mari, quand nous étions étudiants, lui à Marseille moi à Rouen. Je ne sais pas s’il a gardé les miennes d’ailleurs ! Je lui demanderai (j’ai maintenant la réponse : non, pourquoi ? dit-il 🤣). Dans une autres, les lettres que m’écrivait mon père depuis la prison. Je ne lui répondais pas, enfin une fois ou deux pas plus. Ce n’est par conséquent pas vraiment une correspondance vous me direz… mais elles sont le témoin d’une époque complexe de mon existence. Peu de lettres mais si importantes, dans les deux cas. Vous entretenez une correspondance vous, aujourd’hui ? Avec qui ? C’est un lien amical, familial, amoureux, littéraire… ?
Correspondance, le geste
C’est étrange mais cette lettre que vous lisez est une forme de correspondance, un lien fragile mais réel, j’en prends réellement conscience désormais. Ici j’écris et puis vous, votre téléphone ou votre ordinateur, la matérialité de l’écran, la matérialité de la notification, de l’e-mail reçu ou de l’app, la matérialité d’un cœur ou d’un commentaire. La matérialité du geste de la main, le clavier maintenant sous mes doigts (dans mon salon, confortablement installée dans ce gros fauteuil vert foncé en velours je dirais, nous sommes samedi en fin de matinée, si je lève les yeux, par-delà la terrasse, les oliviers, des pins dont je ne connais pas l’exacte espèce et le ciel blanc, je renifle et tousse car malade depuis trois jours - histoire de préciser cette matérialité -) et vos mains à leur tour, un clic sur une notification, un doigt à faire défiler le texte, à archiver, à cliquer sur un bouton d’interaction. Notre matérialité, dans un temps décalé, de part et d’autre de ce lien fragile mais réel, partagée.
Néanmoins, il manque ici ce que j’aime plus que tout dans l’idée de correspondance. L’écriture manuscrite ! Ha que je l’aime ! J’écris encore beaucoup à la main. Dans un carnet chaque jour a minima. Et j’aime par-dessus tout découvrir l’écriture manuscrite des gens. Peu importe le contexte. L’écriture manuscrite est devenue extrêmement intime dans nos vies adultes, très peu partagée, quelque chose de rare (sauf aux communautés scolaires évidemment), de précieux. Vraiment, une joie s’empare de moi, sous la forme d’un frémissement, en pensant à la beauté de l’instant où je découvre l’écriture manuscrite de quelqu’un. Cet instant ajoute une dimension à la personne. La voix, le regard, l’écriture… Vous savez quand on ne connaît quelqu’un que par la voix et finalement la rencontre du visage, du corps crée une surprise ou un alignement, avec l’écriture manuscrite c’est la même chose et c’est beau.
Quelle place tient encore l’écriture manuscrite dans votre vie ?
Correspondance, la proximité
La correspondance, je l’aime aussi car elle est quelque chose qui se déplace dans le temps et dans l’espace, elle est un mouvement qui se transforme en une proximité, une circulation1. Nous pourrions partager plus que ce que vous lisez là tout de suite, une nouvelle proximité. C’est une modeste proposition2 qui suit. J’aime lire vous le savez et j’ai expérimenté différents formats pour partager mes lectures : mes lectures partagées sur mon feu compte Instagram qui ont nourri les quelques épisodes de mon podcast UBTQC, mes retours de lecture sur la même plateforme, mais ma frustration ? C’est que tout cela restait à sens unique.
Je voudrais activer entre nous une correspondance autour de livres : de l’essai au roman en passant par la poésie ou la BD pourquoi pas, rien de moins, rien de plus qu’un cercle de lecture qui prendrait son temps.
Un cercle saisonnier, en clair 4 fois par an parce qu’on n’a pas forcément les mêmes temps, habitudes, rythmes de lecture
Une rencontre en visio, je m’occupe de tout !
Évidemment gratuit, juste pour le plaisir
La grande question, c’est le choix du livre. Je n’ai pas envie que participer implique d’avoir les moyens d’acheter un livre. Heureusement les bibliothèques sont là ! Je ne sais pas si on trouve tout dans toutes les bibliothèques… On peut tenter en présupposant que oui… Mais qui choisit ce livre ?? Et bien nous !
Ce que je vous propose concrètement:
Vous me proposez un livre cette semaine (je pense que je ne vais pas recevoir 100 propositions donc tout cela va rester gérable)
Dans ma prochaine publication je soumets la liste au vote (je peux proposer 5 options dans un sondage mais je peux glisser plusieurs sondages dans une même lettre 😇)
On se donne un RV pour une visio à la fin de l’hiver pour parler du livre et ce sera un chouette moment !
Dans la lettre suivant le cercle, je pourrais par exemple partager l’audio de la rencontre à toutes les personnes abonnées aux Mots grattent ??
Qu’en dites-vous ?
En parlant de bibliothèques et de circulation, mon nouveau doux plaisir depuis quelques mois consiste à déposer des livres que j’ai aimés dans la boîte à livres de mon quartier. Anecdote : il y a quelques temps, je me torturais l’esprit grâce à cette question « Est-il mal de me débarrasser d’un livre, donc d’un livre que je n’ai pas aimé, dans une boîte à livres ? ». Je me suis ouverte de cette question existentielle auprès de quelqu’un qui m’a dit très justement et très simplement « ce livre ne t’a pas plu mais il plaira à quelqu’un d’autre, dépose-le ! ». Bien vu mais cela ne me soulage pas de la problématique de l’intention… me débarrasser. Parce que mon principe dans la vie c’est de partager ce que j’aime et pas le reste. Il faut offrir son énergie pour que le beau se déplace, crée de nouvelles proximités, belles, entre un être et un livre en l’occurrence, quelque part autour de soi. À ce jour, devinez ? Ce livre est encore dans ma bibliothèque… Mais par contre, je me sépare de livres aimés dans lesquels je glisse un mot doux. Ce geste me procure beaucoup de joie, à la fois en donnant à un ou une inconnu·e, en imaginant sa nouvelle vie peut-être sera-t-il ensuite déposé ailleurs avec un deuxième mot doux, puis un autre… en désacralisant ma bibliothèque : elle n’est qu’un point de passage, une étape, un mouvement qui se repose à mes côtés puis repart et je dois l’y aider. Un jour, imaginez seulement, n’y resteront plus que les livres que je n’ai pas aimés ?? Ce serait le comble et tellement drôle !! J’ai presque hâte de pouvoir la contempler ce jour-là…
Sur ce, je vous souhaite une belle semaine, que vous soyez ému·es d’une écriture manuscrite qui croisera votre chemin ou en traçant sur un bout de papier des mots doux à partager aux êtres que vous aimez.
Le mot circulation me renvoie tout de suite à
dont la newsletter a fait de ce mot son nom. Je crois que le lien vers sa lettre vous est proposé quelque part sur ma page Substack (je ne maîtrise pas encore bien la plateforme)Vous l’avez ? Jonathan Swift, une lecture marquante, à laquelle je pense régulièrement
Bonjour Rebecca, reponses en vrac à tes questions. Je lis tes lettres qui grattent mais ne commente pas souvent, aujourd’hui profitons-en.
Je n’ecris quasiment plus à la main parce que je n’arrive souvent même pas à me relire et je perds les papiers. Lire la correspondance des autres, oui c’est indiscret, mais si on en le répète à personne….
Quant à proposer un livre, pas d’idée, mais participer peut-être, pourquoi pas.
Enfin un grand merci pour ton thème de la correspondance, suis justement en train de réfléchir aux lettres alors ça tombe parfaitement bien 😉
À bientôt
En lisant le début de votre correspondance, j’ai eu très envie de reprendre une correspondance manuscrite, les lettres me manque, le plaisir d’en recevoir et d’en écrire et puis je me suis demandé - Mais à qui? A qui ? A mes amis? pour leur écrire quoi ? “tu fais quoi ce week-end, on va au cinéma ?” .. difficile d’écrire à des gens que je watsapp tous les jours..
On écrivait quoi aux gens à l’époque où nous n’avions pas internet?
Je ne me souviens que de mes lettres post colonie de vacances où l’on écrivait une lettre ou deux à nos nouveaux amis de l’été. Ou les lettres des parents que l’on recevait pendant ses 3 semaines de séparation en vacances. Ou les rares lettres aux grand parents qui sont aux Antilles ou ailleurs et que l’on connaît à peine et à qui on écrit des banalités..
Du coup écrire quoi et à qui…
À mon amant ? Avec qui je m’aventure a des échanges “épistolaires” sur Instagram.. mais pour dire quoi? Une lettre serait très différente, elle serait interdite, elle serait confessionnelle. Et que pourrais je bien lui dire lui a qui je m’écris d’ordinaire que des messages si court.
Et puis au final je n’ai même pas son adresse.
En faite je n’ai l’adresse d’aucune personne de mon entourage même proche. Et leur demander serait presque de l’ordre du bizarre “pourquoi tu veux me livrer quelque chose ?” Me diraient ils , je suis certaine.
Bref, les lettres me manque.