Je vais vous parler boulot.
Jeudi dernier, j’étais à Paris.
Le Ministère des Territoires m’a confié l’animation de la 3ème édition de la rencontre du réseau Planif Territoires.
Peut-être ne le savez-vous pas : mon terreau professionnel, ce sont les territoires. Ces intercommunalités, communautés de communes, bourgs, villages, agglomérations… Le développement local, la conduite de politiques publiques sur les thématiques du climat, de la participation citoyenne, des coopérations du local à l’international, c’est ça ma came. C’est là d’où je viens.
Jeudi dernier, j’étais en mode ZAN.
Ces trois lettres font trembler toutes les équipes politiques locales. Zéro Artificialisation Nette. Ces trois lettres sont apparues dans la loi Climat Résilience de l’été 2021. Tous les documents d’urbanisme sont impactés. On ne peut plus construire sauf à en avoir vraiment besoin (vous m’autorisez quelques raccourcis ? Merci). Il faut respecter des coefficients de pleine terre pour préserver les sols en ville. Il faut densifier.
Jeudi dernier, on a volontairement remplacé ces trois lettres par le mot sobriété.
Jusqu’à présent les époques se succédaient dans une ébriété de consommation foncière. On construisait à tout va. Des quartiers pavillonnaires par-ci, une zone commerciale par-là et la bagnole comme sacro-saint trait d’union.
Jeudi dernier, j’ai retrouvé de l’espoir.
Nous étions 200, de toute la France métropolitaine à partager des obstacles, de petites voire de grandes réussites en la matière. Nous, c’était des élu·es et des équipes techniques de collectivités (services planification, urbanisme, habitat principalement). Des élu·es eux-mêmes disaient à quel point le facile d’hier laissait place au complexe mais une complexité politique au meilleur sens du terme : porter une vision, trouver des solutions pour ne plus gaspiller cette ressource rare des territoires, l’espace, la terre. Lui expliquait à quel point il se sentait parfois démunis, elle comment elle se prenait des claques d’oppositions rétives au changement, lui disait « ça a été dur mais on l’a fait ». Les pas peuvent paraître minuscules mais ils sont là et leurs empreintes restent dans la terre, pleine, pour que d’autres suivent.
Jeudi dernier, c’est d’endurance dont il s’agissait, de pédagogie aussi, de stratégie.
On a donné largement au détriment de la qualité de vie, il faut désormais reprendre pour la qualité de vie
La sobriété foncière nécessite de passer par une phase de désintox. Nous sommes là. C’est long. Il faut sans cesse convaincre qu’après ce sera mieux, il faut s’outiller pour passer les moments de crise. La sobriété foncière a besoin d’allié·es. Le territoire voisin n’est plus un concurrent, la relation est celle de l’interdépendance. Non plus des limites entre l’un et l’autre mais des liens dont il faut prendre soin. La sobriété foncière a une sœur jumelle : la densification. Densifier les relations et le tissu urbain. Stopper l’ébriété pavillonnaire et ses représentations profondément ancrées dans les imaginaires de réussite. Densifier c’est plus compliqué et plus long, ouais. Politiquement, financièrement, électoralement. Mais ça marche (j’ai envie de me lancer dans un Tour de France de la densification ! - je ne rigole pas).
Vide nulle part Paysages partout
Pour densifier, il faut regarder autrement la ville, ses quartiers, ses lieux, ses contrastes, ses espaces, ses vides. Non ! Le vide n’existe pas. Partout où porte un regard, il y a un paysage à saisir, comprendre, envisager, réenchanter et soyons fous et folles, poétiser ! Et ça, ce doit être un mouvement collectif : regarder à plusieurs, décrire à plusieurs voix, imaginer plusieurs récits.
Jeudi dernier, j’ai trouvé de la joie.
Alors que tout semble s’écrouler de toute part, m’enfoncer depuis quelques semaines sur les chemins ombreux de la sobriété foncière, discutant avec des élu·es du Grand Est, de Gascogne, de Flandre, des équipes en Anjou, du Bassin d’Arcachon, d’Occitanie… m’a fait du bien. Oui, les lignes bougent mais ce sont celles qu’on ne nous montre pas. Il se passe des choses localement et ça fait du bien de s’y arrêter. Des équipes municipales avancent, tâtonnent, testent, se trompent parfois, aussi, mais ne lâchent rien. Oh, nous sommes si loin du compte… Si loin mais. Si loin mais en chemin.
Dites-moi, celles et ceux qui « en sont », de quelle façon vous êtes « agent » des bifurcations locales !!
La sobriété (foncière), ça gratte et tant mieux. Après les démangeaisons, la terre, profonde, vivante, féconde.
Je vous souhaite une semaine qui vous révèle une parcelle de joie.